Entre ballon rond et migrations : découverte de la Squadra Diaspora

En 2015, l’artiste Paolo Del Vecchio a imaginé un maillot qui représenterait la vague de migration italienne au XXème siècle. De ce maillot est née une idée, celle de représenter la diaspora italienne de la manière la plus large possible. Et quel meilleur moyen de le faire qu’avec la création d’une véritable sélection, la Squadra Diaspora. Cette équipe, au croisement de plusieurs influences footballistique, artistique et culturelle, se rend ce dimanche 11 juin à la Louvière. Une terre de football où la migration italienne a joué un rôle historique.

Comment est né le projet Squadra Diaspora ?

Cela débute lorsque je suis à l’école d’art. Je réalisais alors des œuvres autour du langage, de l’immigration et de la diffusion culturelle. C’est à l’occasion d’une invitation à une exposition en Belgique, Foot Fair Play, que le déclic s’est fait. Je me suis questionné sur comment je pouvais lier mes œuvres à mon autre passion, le football. L’idée m’est venue alors de parler des différents flux migratoires et de la diaspora italienne à travers ce sport et l’art. C’est ainsi que l’idée du maillot est née.

Au départ, cela ne devait être qu’un maillot pour une exposition. Finalement le projet a pris de l’ampleur et plus dev500 exemplaires ont été réalisés (multiple artistique) grâce à un crowdfunding. L’engouement a été important. Nous avons eu des contacts avec des journalistes, des universitaires et aussi des joueurs professionnels italiens ou d’origine italienne comme Nicola Sansone ou Felipe Saad. Et c’est ainsi qu’une idée plus large autour d’une véritable équipe est née.

Quels ont été les inspirations de ce maillot qui incarne le projet Squadra Diaspora ?

Je suis tombé un jour sur un tableau avec les chiffres de présence italienne dans le monde. Cela m’a donné l’idée d’une mappemonde sur laquelle j’ai dessiné une onde qui est plus ou moins resserrée en fonction de la présence des Italiens dans chaque pays. Pour la coupe du maillot, l’inspiration est celle des maillots d’après-guerre entre les années 1945 et 1979. C’est une période où il y a eu énormément d’émigration italienne dans le monde.. Ce maillot était à la base une oeuvre d’art, je n’ai donc pas conçu de short et de chaussettes. Nous avons eu la chance de rentrer en contact avec l’équipementier sportif italien Kappa qui nous accompagne dans notre projet et nous a permis d’avoir un kit complet. Ce qui nous permet de pouvoir vraiment jouer avec ce maillot lors de nos différents matchs.

Quel est l’objectif de Squadra Diaspora désormais ?

Pour poursuivre le projet, nous avons commencé à mettre en place des déplacements une fois par an avec cette idée de lier la diaspora italienne, le football et l’art. La Squadra Diaspora rassemble désormais beaucoup de monde, avec des profils différents (football professionnel, amateur, art, journalisme, université, restauration…). L’idée c’est vraiment de venir comme on est, peu importe le niveau. Tant que nous avons à coeur de raconter une histoire aussi personnelle qu’universelle.

Quelles sont les différentes nationalités qui composent la Squadra Diaspora ?

Nous avons évidemment des personnes présentes en Belgique, en Allemagne, en France et au Luxembourg. D’autres aussi viennent d’Amérique du Sud, dont Felipee Saad qui est italo-brésilien mais aussi personnes originaires du Pérou et d’Argentine. Le projet réunit aussi des journalistes comme Simone Rovera, Valentin Pauluzzi en France, Pascal Scimè et Emiliano Bonfigli pour la Belgique ou encore Daniel Romano pour la Suisse, font partie du projet. D’ailleurs on peut noter qu’il y a un impact que le journalisme est un excellents vecteurs pour communiquer sur l’Italie et son football, comme Marco Messina (Etats-Unis) ou Adriano Del Monte (Australie).

La diaspora italienne joue encore un rôle important en football, puisque plusieurs cas d’oriundi* sont encore à noter dans l’équipe nationale italienne. Le dernier en date étant Mateo Retegui.

*c’est à dire, un joueur étranger naturalisé dans le but d’évoluer avec la Squadra Azzurra et qui a – dans la grande majorité des cas – un ancêtre italien ndlr)

L’émigration italienne a été très forte au cours du XIXe et du XXe siècle, avec des aspects culturels qui ont perduré pour ses populations déplacées, notamment autour du football qui a été un porte étendard important. 

Aujourd’hui encore, l’équipe d’Italie puise dans ce vivier de joueurs à des postes où il manque de profondeur. C’est le cas avec Mateo Retegui, mais on peut citer aussi Camoranesi, Jorginho et bien d’autres.

Certains viennent effectivement car c’est bouché pour eux dans l’équipe nationale de leur pays de naissance, quand d’autres (comme Nicola Sansone ou Giuseppe Rossi, ou plus récemment Cristian Volpato) refusent dès leur jeunesse de jouer pour la sélection du pays où ils sont nés pour privilégier leurs racines italiennes.

Ces différents cas représentent bien la diversité de sentiments qui peut exister chez les personnes d’origine italienne du monde entier en fonction de leur sensibilité, leur attachement aux racines etc. Et cela se voit très bien dans la Squadra Diaspora parmi les témoignage des différents participants.

Pourquoi la Squadra Diaspora a-t-elle déposé ses valises à la Louvière pour ce déplacement ?

Il y a en fait deux raisons à cela. La première est historique. La Louvière a un lien fort avec l’Italie, du fait d’une forte immigration italienne au cours d’une XIXe et du XXe siècles portée par l’activité minière de la Wallonie. La deuxième est que le football de la Louvière a un lien fort avec la Squadra Diaspora à travers les joueurs Enzo Scaletta et Francesco La Cavera et le journaliste Brandon Lattuca qui m’avait permis d’exposer le premier maillot Diaspora en Belgique. Le club de la RAAL La Louvière qui nous accueille dans ses installations a aussi un fort accent italien par son histoire, son président Salvatore Curaba et ses joueurs comme Floriano Vanzo, déjà membre de la Squadra Diaspora.

Est-ce qu’il n’y aura que ce match ?

Pas seulement. Nous essayons à chaque déplacement de la Sqaudra Diaspora de mettre en avant une partie culturelle. Ce sera le cas à La Louvière où nous irons visiter le Bois du Cazier, un ancien site minier de Wallonie qui a subi une lourde catastrophe en 1956 et où plus de 200 ouvriers ont péri. La moitié d’entre eux étaient d’origine italienne, ce qui témoigne de l’importance de cette communauté et du lien qu’elle a avec la région.

Quels ont été les autres déplacements effectués par la Squadra Diaspora ?

Notre premier match a été à Metz en 2018 contre l’AS Velasca, une équipe italienne qui s’est construite comme une œuvre d’art et où de nombreux artistes y sont engagés. Et nous avons ensuite poursuivi ces voyages, en allant de rencontre avec des clubs qui avait un lien avec la culture et l’Italie. C’était le cas en 2019 lorsque nous sommes rentrés le CA Paris 14 dont le maillot avait été dessiné par l’artiste Daniel Buren et a été exposé dans la galerie d’art de Kamel Mennour. 

Une dynamique qui a du être perturbée par la pandémie Covid-19…

Tout s’est arrêté avec le COVID, mais nous avons pu reprendre cette dynamique En 2022, nous avons pu jouer contre le Red Star. Nous sommes aussi retournés en Italie pour affronter en match retour l’AS Velasca dans le stade du club professionnel du FC Venezia, avec là encore un point fort mis autour du déplacement culturel. C’est d’ailleurs la seule fois où nous avons joué avec des maillots blancs, car c’était le seul endroit où la Diaspora était en réalité « à l’extérieur »

En 2023, nous faisons donc étape à la Louvière. Les prochains voyages seront sans doute à Munich en 2024, en Suisse en 2025 et on espère en Amérique du Nord en 2026 à l’approche de la Coupe du Monde de football. L’idée c’est vraiment de continuer à internationaliser la Squadra et de pouvoir jouer, partager là où la diaspora italienne a pu jouer un rôle.

Pour en savoir + sur la Squadra Diaspora

>> Leur compte Twitter

>> Leur page Instagram

Interview réalisée par Kévin Veyssière

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