Jeux Olympiques et Paralympiques Paris 2024 : Quel bilan géopolitique ?

Les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 ont offert à la France une occasion unique de rayonner sur la scène internationale, tout en se déroulant dans un contexte géopolitique mondial marqué par des tensions croissantes. Plus qu’un simple spectacle sportif, ces Jeux ont prouvé une nouvelle fois que le sport pouvait être une grille d’analyse et le reflet des dynamiques internationales.

Quels enseignements géopolitiques pouvons-nous tirer de cette 33ème olympiade ? ⤵

Un contexte géopolitique qui pouvait faire craindre le pire

Malgré les conflits majeurs internationaux, notamment entre l’Ukraine et la Russie et entre Israël et la Palestine, les Jeux de Paris 2024 n’ont pas été le théâtre d’un nouveau « champ de bataille ». L’arène olympique a été préservée de tout acte terroriste vis-à-vis des athlètes, comme cela avait pu être le cas lors des tristement célèbres JO de Munich 1972.

La France, malgré un contexte d’instabilité politique inédit, a su relever le défi sécuritaire en mobilisant un dispositif impressionnant, garantissant la protection des athlètes et du public. Cette performance organisationnelle a contribué à renforcer l’image de la France à l’international, montrant sa capacité à gérer un événement d’envergure mondiale malgré un climat social et politique tendu. La « trêve olympique », prônée par le Comité International Olympique (CIO) et visant à suspendre les hostilités pendant les Jeux, n’a une nouvelle fois pas été respectée.

Une arène olympique comme tribune politique des enjeux internationaux

Les tensions géopolitiques ont toutefois été visibles dans les arènes sportives : les athlètes russes et biélorusses ont concouru sous une véritable bannière neutre pour éviter toute récupération politique de la part de Vladimir Poutine. L’Ukraine de son côté a pu bénéficier des performances de ses athlètes pour mettre en avant ses symboles nationaux et son identité, alors même que son intégrité nationale et territoriale est toujours menacée. Côté conflit israélo-palestinien, le judoka algérien Messaoud Redouane Dris a refusé de combattre un adversaire israélien.

Les Jeux ont une nouvelle fois servi de tribune pour des messages politiques. Parmi les plus marquants, l’athlète Manizha Talash, membre de l’équipe olympique des réfugiés, a utilisé sa prestation en breakdance pour revendiquer plus de droits pour les femmes afghanes, alors que son pays est aux mains du régime des talibans.

À noter aussi la toute première médaille olympique pour l’équipe des réfugiés, avec le bronze de Cindy Ngamba en boxe. Mise en place par le CIO aux JO 2016, cette équipe représente les 100 millions de personnes déplacées dans le monde.

Le selfie historique entre des pongistes de Corée du Nord et de Corée du Sud a été un moment marquant, renforçant l’idée que le sport peut transcender les frontières politiques. Cependant, ces moments rendus inédits par le sport, bien que chargés d’émotion, ne modifient pas fondamentalement les relations internationales. Les Jeux olympiques peuvent être le théâtre d’actes de réconciliation utopique, les deux Corées avaient d’ailleurs par le passé parader sous une même bannière, mais l’esprit olympique ne peut aller au-delà des tractations politiques.

Au-delà des performances sportives, les Jeux de Paris ont également vu des confrontations qui ont pris une dimension géopolitique. La finale de badminton entre Taïwan (dénommée au sein des JO Taïpei Chinois depuis 1979) et la Chine, remportée par la délégation taïwanaise, a empêché la Chine de décrocher un titre olympique supplémentaire, soulignant la nature symbolique de cette confrontation dans le contexte des relations tendues entre les deux pays.

Tableau des médailles : la domination des grandes puissances économiques

Le tableau des médailles reflète une fois de plus la « guerre » que se mène les deux superpuissances mondiales : les États-Unis 🇺🇸 et la Chine 🇨🇳. Chacun a remporté 40 médailles d’or, mais les États-Unis ont terminé en tête avec un total de 126 médailles, contre 93 pour la Chine. Néanmoins si l’on combine le tableau des médailles des Jeux olympiques et celui des Paralympiques, c’est bien la Chine qui est largement en tête avec 311 médailles, contre 231 pour son rival américain.

Le tableau des médailles ne reflète pas seulement les performances sportives, il reflète également les rapports de force économiques. La majorité des médailles a été remportée par des pays riches, membres du G7 ou proches de ce groupe, tels que la Grande-Bretagne, le Japon, l’Australie, et les principales nations européennes. Ce tableau peut donc être vu comme une traduction directe de la puissance économique mondiale.

Néanmoins ce constat est à relativiser. La performance sportive doit être accompagné d’une volonté politique et d’investissements en la matière pour se traduire en matière. Ce n’est pour l’instant par exemple pas le chemin pris par l’Inde, qui malgré ses 1,4 milliards d’habitants et son statut de puissance mondiale, n’a remporté que 6 médailles et a terminé bien loin du top 10 mondial.

Le rayonnement des nations grâce aux médailles et à la spécialisation sportive

Sur les 206 délégations nationales participantes aux Jeux de Paris 2024, 114 délégations n’ont pas réussi à remporter de médaille.   Cela montre la difficulté d’atteindre le podium, même dans un événement global comme les Jeux Olympiques. Au total, des athlètes représentant 92 délégations ont remporté au moins une médaille à Paris 2024, dont 64 ont décroché au moins une médaille d’or.  

Parmi eux, le Botswana🇧🇼, la Dominique🇩🇲, le Guatemala🇬🇹 et Sainte-Lucie🇱🇨 ont remporté leur 1ère médaille d’or olympique. Tebogo a ramené la 1ère médaille d’or 🥇 de son histoire au Bostwana 🇧🇼 (2,3 millions d’habitants)  Et la 1ère médaille de l’histoire du continent africain dans les courses de sprint en athlétisme.

Certains pays ont réussi à tirer leur épingle du jeu. L’Ouzbékistan, avec 13 médailles dont 8 en or, a montré que la spécialisation dans certaines disciplines, comme les sports de combat, peut permettre à des nations émergentes de rivaliser sur la scène internationale. Ce succès, tout comme celui du Kenya et de la Jamaïque dans l’athlétisme, démontre que des opportunités existent pour les nations moins puissantes économiquement, offrant une diversité dans le palmarès mondial.

Une France qui brille sur le plan sportif et diplomatique

Pour la France, ces Jeux ont été l’occasion de démontrer sa capacité à organiser un événement de grande envergure, renforçant son soft power et son influence internationale. Avec 64 médailles aux Jeux Olympiques et 75 aux Jeux Paralympiques, la France s’est classée 7e au tableau combiné des médailles, un résultat qui reflète la montée en puissance du pays dans le sport de haut niveau. Ces succès ont permis de montrer que la France, malgré un contexte social difficile marqué par les grèves et les tensions, peut jouer un rôle clé dans le sport mondial.

L’organisation des Jeux a également été saluée pour son aspect logistique et sécuritaire. Avec la participation de 9 millions de personnes au relais de la flamme, une couverture médiatique mondiale, et un nombre billets records vendus (12, 5 millions) Paris 2024 a su marquer les esprits grâce à des sites iconiques comme la Tour Eiffel et le Grand Palais. Ces éléments de prestige, associés à la réussite de l’organisation, renforcent l’image de la France comme une nation capable de relever les défis globaux. Cette dynamique pourrait servir à la France dans ses futures relations diplomatiques et ses négociations internationales.

Jeux Paralympiques : une mobilisation populaire sans précédent

Les Jeux Paralympiques de Paris 2024 ont marqué un tournant dans la reconnaissance du sport paralympique en France. Avec 2,5 millions de billets vendus et près de 49 millions de Français ayant suivi au moins une minute des compétitions à la télévision, cette édition a connu un succès populaire inédit. La victoire de l’équipe de cécifoot française contre l’Argentine a attiré 5,3 millions de téléspectateurs, illustrant l’engouement croissant pour le sport paralympique.

Un héritage durable pour la France ?

Paris 2024 laissera un héritage durable, tant sur le plan des infrastructures que sur celui des valeurs promues. Le village des athlètes sera reconverti en logements, témoignant de l’engagement de la France en faveur du développement durable et de la reconversion des espaces publics. L’accent mis sur l’inclusion, notamment à travers les Jeux Paralympiques, montre la volonté de la France de placer l’accessibilité et l’égalité au cœur de son action internationale.

En termes d’héritage, les Jeux ont permis de mettre en avant des initiatives inclusives, avec des infrastructures sportives adaptées et un accent sur l’accessibilité pour les personnes en situation de handicap. Cet engagement reflète la volonté de la France de promouvoir des valeurs d’égalité et d’inclusion sur la scène internationale, renforçant encore son soft power.

Conclusion : et après Paris ?

Les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 resteront dans les mémoires pour sa cérémonie d’ouverture, leur organisation réussie, leurs moments de réconciliation symboliques, et les tensions géopolitiques qui les ont traversés. Alors que Los Angeles se prépare pour 2028 et Brisbane pour 2032, le défi sera de maintenir l’héritage laissé par Paris. Ces Jeux ont une nouvelle fois prouvé que le sport, loin d’être apolitique, est un miroir des dynamiques mondiales et des rapports de force géopolitiques.

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