Au lendemain du décès du pape François, l’Argentine rend hommage à celui qui restera comme le premier souverain pontife issu du continent sud-américain. Passionné de football, fervent supporter du club San Lorenzo, le pape François aura jusqu’au bout cultivé une proximité assumée avec ce sport populaire. Une chapelle a été dressée dans son club de cœur, un maillot lui a été dédié, et un futur stade portera son nom. L’occasion de s’arrêter sur un lien méconnu : celui entre le Vatican, les papes et le football.
Un État minuscule… mais une nation de football
Créé par les accords du Latran en 1929, le Vatican est le plus petit État du monde : 0,44 km², environ 900 habitants, et une souveraineté reconnue autour du Saint-Siège. Malgré l’absence d’un territoire permettant d’accueillir un stade, le Vatican n’échappe pas à l’appel du ballon rond.
Depuis 1972, il possède sa propre fédération de football. L’équipe nationale, composée d’employés du Vatican (postiers, gardes suisses, jardiniers ou prêtres), dispute son premier match en 1994. Sans stade officiel, elle évolue au Campo Pio XI, un terrain exterritorial situé à Rome avec une vue imprenable sur la basilique Saint-Pierre.
Une pratique amateur… mais structurée
L’équipe féminine vaticane est fondée en 2018, tandis qu’un championnat national amateur est organisé depuis 1973. Les clubs représentent des institutions internes : musées, hôpital pédiatrique, bibliothèque, etc. En 2024, la Garde suisse a même été sanctionnée pour avoir accumulé trop d’absences aux matchs…
Le Vatican va plus loin avec sa propre « Ligue des Champions » : la Clericus Cup, lancée en 2007. Ce championnat mondial du clergé rassemble des séminaristes de plus de 60 pays. Le tout premier capitaine victorieux, Davide Tisato, était un ancien espoir du club de Chievo Vérone, devenu prêtre au Vatican.
Un refus d’adhérer à la FIFA
Si le Vatican ne participe à aucune compétition officielle internationale, c’est un choix assumé. Il refuse d’intégrer la FIFA ou l’UEFA, préférant conserver une pratique strictement amateur. Mais les raisons sont aussi diplomatiques : rejoindre ces organisations impliquerait potentiellement d’affronter des États ou entités que le Vatican ne reconnaît pas, comme la Palestine ou Taïwan. Un casse-tête géopolitique que le Saint-Siège préfère éviter.
En 2010, le Vatican a même décliné une invitation à la Viva World Cup, une coupe du monde réservée aux nations non membres de la FIFA, faute de joueurs disponibles.
Le foot comme outil diplomatique
Pour autant, le Vatican ne reste pas à l’écart du monde. Il utilise le football comme un levier diplomatique et humanitaire. En 2010, il accueille une équipe palestinienne pour une rencontre symbolique. En 2016, un match de solidarité est organisé après un séisme en Italie. Et en 2021, le pape François reçoit Aleksander Čeferin, président de l’UEFA, pour discuter de projets communs entre l’Église et le monde du football.
Les maillots officiels de l’équipe sont d’ailleurs vendus à la boutique du musée du Vatican. En 2021, un partenariat avec Joma donne naissance au premier kit officiel disponible au public.
Une passion papale
Cette proximité entre religion et football s’inscrit dans une tradition papale. Jean-Paul II était gardien de but en Pologne. Benoît XVI, quant à lui, suivait le Bayern Munich avec attention. Mais aucun pape n’a incarné cette passion comme François.
Né Jorge Mario Bergoglio à Buenos Aires, il grandit dans une famille modeste de fervents supporters de San Lorenzo, un club fondé en 1908… par un prêtre. En 1946, le jeune Jorge suit tous les matchs de la saison qui verra son équipe sacrée championne d’Argentine. En 2008, devenu cardinal, il célèbre une messe pour le centenaire du club et donne la première communion à plusieurs jeunes joueurs.
Pour François, le football n’était pas qu’un divertissement, mais un outil d’éducation et de spiritualité. En 2014, il organise un match interreligieux pour la paix à Rome, réunissant Buffon, Maradona, Shevchenko ou encore Trezeguet. Les fonds servent à financer des programmes éducatifs pour les enfants défavorisés.
Un héritage pour l’éternité
En 2023, pour les 10 ans de son pontificat, San Lorenzo dévoile un maillot à son effigie. Le club annonce aussi qu’un futur stade portera son nom. À sa mort, le message est simple et chargé d’émotion : « Nous serons ensemble pour l’éternité ».
Si le Vatican restera sans doute longtemps à l’écart des grandes compétitions internationales, son rapport au football reste singulier. Il incarne un football de valeurs, de fraternité et d’universalité, fidèle à sa mission spirituelle.